"On n'est pas des psys, ni des coachs sportifs, on accompagne spirituellement": à trois mois et demi des JO-2024, l'heure est à la formation pour les futurs aumôniers catholiques du village olympique.
Diacres, prêtres ou religieuses, une quarantaine de personnes écoutent attentivement, ce mardi après-midi dans l'église Saint-Germain-l'Auxerrois à Paris, des professionnels du sport leur donner quelques clés sur leur rôle pendant les Jeux olympiques (26 juillet-11 août) et paralympiques (28 août-8 septembre).
"Un sportif de haut niveau est en permanence en déséquilibre", commence Laurence Blondel, responsable de l'accompagnement à l'Insep, pour expliquer que ces athlètes qui viendront à Paris "chercher le Graal".
Avec sa collègue Christine Rey, ex-championne de judo, elle distribue aux participants assis en cercle des petits papiers aux intitulés -"performer", "perfectionnisme", "ascétisme"- censés cerner la psyché de ces supers sportifs sous pression, et susceptibles de solliciter les aumôniers avant ou après une épreuve.
"Ils seront de toutes façons concentrés sur la performance. Mais certains se seront pris une raclée. Il faut accueillir ça aussi", explique Christine Rey.
Le village olympique comprendra un centre multiconfessionnel où les cinq grandes religions (chrétiens, juifs, musulmans, bouddhistes et hindouistes) seront représentées. Les règles y seront strictes : ouverture de 7 à 23 heures, possibilité de rencontrer les athlètes dans le centre même mais pas de les aborder en dehors, pas de brassard, pas de déambulation dans le village...
Dans la salle, les questions sont nombreuses, sur tous les sujets. "Peut-on arriver en deux roues ?", "Est-ce qu'on ne recevra que des croyants ?" Des inquiétudes s'expriment aussi: "Certains peuvent venir nous voir par superstition", "Comment on gère si ça risque de les mettre en position de vulnérabilité ?" "Ça n'appelle pas forcément de réponse, il faut juste écouter", estime Christine Rey.
Délégué de l'Eglise pour les JO, l'évêque Emmanuel Gobilliard martèle qu'"on n'est pas des psys" et rassure: "accompagnez les sportifs de haut niveau comme vous accompagnez n'importe qui".
Face à ces champions "qu'on imagine très disponibles, mais qui ne le sont pas", il incite les aumôniers -dont 12 femmes- à s'inspirer de la phrase du Christ : "que veux-tu que je fasse pour toi ?"
"Holy Games"
Car pour tous ici, le lien entre sport et foi ne se discute pas. "Le sport c'est comment l'homme se transcende plutôt qu'écraser l'autre, ce n'est pas vaincre pour tuer, mais plutôt un jeu, posé dans un cadre. Les vertus du sport et les vertus chrétiennes tendent vers le bien", explique Jason Nioka, ancien judoka et diacre chargé de la formation des aumôniers catholiques.
"Un sportif de haut niveau peut être intéressé par Dieu, ce soif d'absolu, d'excellence", renchérit de l'ancien archer Ferdinand Delille qui a ainsi "trouvé une façon beaucoup plus apaisée de vivre (son) sport".
L'Église a d'ailleurs a lancé une initiative "Holy Games" pour accompagner les JO. Au programme : une messe d'ouverture de la trêve olympique le 19 juillet à l'église de La Madeleine, un événement interreligieux le 4 août sur le parvis de Notre-Dame, un grand événement œcuménique le 8 mai au stade parisien Pierre-de -Coubertin pour l'arrivée de la flamme olympique à Marseille...
Les diocèses concernés par les Jeux seront également très impliqués, à l'image de l'église Saint-Ouen-Le-Vieux, à quelques minutes du village olympique, qui organisateura des mess plusieurs fois par jour et en plusieurs langues.
A Saint-Denis aussi, "la maison paroissiale pourra être un lieu de rencontre spirituelle", explique le recteur de la basilique-cathédrale Jean-Christophe Helbecque, qui évoque également "des matches de foot pour les mineurs isolés et les touristes, des visites de personnes âgées, des concerts ou expositions..."
La formation se termine. Patricia Chemin, aumônière au diocèse aux armées qui s'est portée volontaire "pour l'expérience spirituelle et internationale", tire de sa journée l'enseignement que les champions évoluent dans "un monde difficile, grossier.
On voit la réussite mais ça demande beaucoup d'ascèse". Son rôle pendant les JO ? "Il faut les aider à s'ancrer", estime-t-elle.
La Rédaction (avec AFP)